«Dans l'industrie, on résout un problème. Ici, on cherche la cause»

Eunok Yim © Adrian Alberola Campailla
Eunok Yim dirige le nouveau Laboratoire d’énergie hydraulique et de dynamique des fluides appliquée de l’EPFL. Sa décision de poursuivre dans le milieu académique a été influencée par un passage de quatre ans chez General Electric, où elle a travaillé sur l’optimisation des performances mécaniques de l’hydroélectricité.
Lorsqu’elle était gymnasienne près de Séoul, en Corée du Sud, Eunok Yim avait déjà en tête de faire une carrière scientifique. Elle adorait ses cours de sciences et faisait partie du club de physique de son école. Mais c’est une visite en tant que bénévole dans une maison de retraite locale qui a éveillé son intérêt pour l’ingénierie.
«On peut penser que travailler dans une maison de retraite suscite un intérêt pour la médecine ou la biologie, mais tout ce à quoi je pensais, c’était comment la technologie, en particulier le génie mécanique, pourrait vraiment aider les gens, notamment ceux à mobilité réduite», confie-t-elle.
Eunok Yim décide alors de s’inscrire au KAIST (Korea Advanced Institute of Science & Technology), où elle obtient un Bachelor et un Master en génie mécanique. Elle commence à s’intéresser à la dynamique des fluides – une fois de plus de manière inattendue – lorsqu’elle rejoint un laboratoire d’acoustique: «Notre travail portait sur l’acoustique pure, qui concerne davantage les fluctuations de pression que le flux des ondes sonores. Mais je voulais vraiment comprendre ce qui se passe lorsque les ondes commencent à se propager.»
Au laboratoire, je veux aller au-delà et trouver la source de ces instabilités de la circulation des fluides afin de pouvoir les contrôler.
Aujourd’hui, en tant que responsable du tout nouveau Laboratoire d’énergie hydraulique et de dynamique des fluides appliquée de la Faculté des sciences et techniques de l’ingénieur de l’EPFL, Eunok Yim s’affaire à cette tâche. Ses recherches portent sur la compréhension de la turbulence, des tourbillons et d’autres instabilités de la circulation des fluides à l’aide de modèles théoriques et de simulations. Ses travaux sont importants pour l’amélioration de l’efficacité des machines hydrauliques telles que les turbines et les générateurs, d’autant plus que la demande mondiale d’hydroélectricité durable ne cesse de croître.
Aller au fond du problème de l’instabilité des flux
Après l’obtention de son diplôme au KAIST, Eunok Yim souhaite effectuer un Doctorat en mécanique des fluides, mais aussi découvrir le monde et poursuivre ses études en dehors de l’Asie.
«J’envisageais plusieurs écoles en Europe, et mon choix s’est arrêté sur l’École Polytechnique de Palaiseau, en France, en raison de la facilité avec laquelle il serait possible de visiter autant d’autres pays que possible», dit-elle en riant. «J’ai beaucoup aimé la culture de l’apprentissage par la discussion que j’ai découverte en Europe, qui est très différente de la Corée. C’était une sorte de choc culturel, mais cela m’a amenée à découvrir de nouvelles façons de penser et d’étudier.»
Lorsqu’elle termine ses études doctorales sur l’analyse de la stabilité des tourbillons fluides, elle tombe amoureuse de l’Europe – ainsi que d’un Français qui deviendra son mari. Elle choisit donc de poursuivre des études postdoctorales, d’abord à Marseille, puis à l’EPFL au Laboratoire de mécanique des fluides et instabilités sous la houlette de François Gallaire.
Mais à la fin de son postdoctorat, Eunok Yim se trouve à un carrefour dans sa vie. Elle souhaite rester en Europe, mais le seul poste de professeur vacant convenable est en Corée. Comme le hasard fait bien les choses, Eunok Yim se voit proposer le poste de professeur en même temps qu’un emploi dans l’industrie chez General Electric à Baden, en Suisse.
«Je n’avais jamais travaillé dans l’industrie, et le poste était dans l’hydroélectricité, alors j’ai senti que je pouvais encore aider les gens – cette fois en rendant l’énergie plus propre dans le monde.»
Chez GE, Eunok Yim utilise la modélisation informatique pour prédire rapidement la performance globale des systèmes de turbines et de générateurs dans certains paramètres pour des clients potentiels. Son travail consiste principalement à prédire l’instabilité des fluides liée aux tourbillons, car cette instabilité limite la portée opérationnelle de ces systèmes, entraînant des inefficacités et une baisse des performances.
Eunok Yim a beaucoup apprécié ce travail. Sa décision de revenir à l’EPFL en tant que professeure n’était pas motivée par un mécontentement envers l’industrie, mais par une curiosité scientifique persistante qui ne pouvait être satisfaite qu’en laboratoire. Son objectif ultime: développer de nouvelles approches pour contrôler les instabilités dans les flux hydroélectriques.
«Si vous avez un écoulement dans un système hydraulique, vous devez savoir s’il est instable et, si c’est le cas, trouver la cause profonde de cette instabilité afin de pouvoir la supprimer», explique-t-elle. «Dans l’industrie, si vous savez comment pallier le problème, alors votre travail est terminé – vous n’allez pas plus loin. Au laboratoire, je veux aller au-delà et trouver la source de ces instabilités afin de pouvoir les contrôler.»